22e Rencontres de l’Énergie :
le gaz a-t-il un avenir dans le bâtiment ?
Le gaz a-t-il encore un avenir dans le bâtiment ? C’est la question autour de laquelle ont échangé, ce 8 février dernier, Bernard Aulagne, Président de Coénove, Jean-Luc Fugit, député du Rhône, président du Conseil national de l’air, membre du Conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment, Aurélie Picard, Déléguée générale du comité stratégique de Filière nouveaux systèmes énergétiques et Joël Pedessac, DG de France Gaz Liquides, lors des 22e Rencontres de l’Énergie à la Maison de la Chimie.
Présidées par Jean-Charles Colas-Roy, Député de l’Isère, co-président du groupe d’études “Énergies vertes ”, Marjolaine Meynier-Millefert, Députée de l’Isère et vice-présidente de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, Célia de Lavergne, Députée de la Drôme, vice-présidente du groupe d’études “ Enjeux économiques de la filière industrielle énergétique ”, les Rencontres ont été riches en débats et tables rondes. Zoom sur l’intervention de Joël Pedessac :
THIERRY GUERRIER :
Joël Pedessac, pourriez-vous nous préciser en quoi consiste la filière gaz liquides à ce jour ?
JOËL PEDESSAC :
Nous représentons une filière de distributeurs de gaz. Les gaz liquides sont le butane et le propane, ainsi que le GNL, c’est-à-dire le gaz naturel liquéfié (mais je ne représente pas cette troisième filière). Les ventes de gaz liquides concernent, pour un petit pourcentage, les usages de mobilité (carburant GPL). En effet, 70 % des gaz liquides concerne le résidentiel tertiaire, 40 % pour l’industrie et un peu moins de 5 % pour la mobilité.
THIERRY GUERRIER :
Êtes-vous inquiété par l’idée que le gaz pourrait être interdit dans le bâtiment ? Comment envisagez-vous la transition énergétique dans la mesure où vous êtes perçu comme une énergie fossile pure ?
JOËL PEDESSAC :
Nous intégrons la transition, comme tous les énergéticiens depuis de nombreuses années déjà. L’obligation de décarbonation des activités économiques est bien intégrée par tous. Notre enjeu pour l’avenir est d’avoir la possibilité de faire un gaz produit à partir d’intrants de nature renouvelable, donc différente des sources fossiles. L’objectif est, pour ainsi dire, de faire en vingt-quatre heures ce que la Terre a produit en plusieurs millions d’années. Ce cycle court du carbone que nous ambitionnons émettra peu de CO². Cet objectif, comme je le disais, a bien été intégré dans nos activités.
THIERRY GUERRIER :
Mais qu’en est-il de l’interdiction du gaz pour le bâtiment ? Vous affirmez que l’on trompe les Français sur ce point ?
JOËL PEDESSAC :
La ministre a, en effet, réalisé un coup de communication lorsqu’elle a présenté la réglementation environnementale de 2020 en affirmant vouloir interdire le fioul et le gaz. Cette position aurait été impossible il y a seulement cinq ans. Néanmoins, notre position est qu’aucune réglementation effective n’interdit le gaz. Ainsi, la RE2020 n’interdit pas le gaz, ni même le fioul. Elle fixe simplement des critères qui complexifient l’usage du gaz dans le bâtiment neuf. Pour autant, les solutions de biogaz sont possibles. Nous discutons en ce moment avec l’Administration pour déterminer le rôle que peut jouer le biogaz dans le bâtiment neuf. Le bâtiment concerne aussi pour une large part la rénovation. L’index de mesure en est le DPE. L’opportunité du gaz dans la rénovation est le suivant : 3,5 millions de logements sont encore chauffés au fioul domestique. Le gaz, en substitution du fioul, représente une première étape vers la décarbonation. Le biogaz a, par ailleurs, le grand avantage N 30 d’être chimiquement similaire au gaz fossile. Cela permet d’exploiter les mêmes réseaux de distribution, les mêmes citernes, les mêmes chaudières. En d’autres termes, l’infrastructure est déjà là ; il n’est pas nécessaire de la renouveler par des investissements.
THIERRY GUERRIER :
Le gaz serait donc un outil de transition puissant.
JOËL PEDESSAC :
Oui, et si nous voulons accélérer la transition énergétique, il est crucial de ne pas perdre de telles opportunités, tant en termes d’économie d’énergie que de réduction des émissions de CO². Le gaz constitue une véritable opportunité à cette fin. Il serait très compliqué et coûteux d’opter pour une transition radicale sans passer par le gaz. Le gaz permettra de faire 30 à 40 % d’économies d’énergie, ainsi que 40 à 50 % de réduction des émissions de CO². Et tout cela, pour un coût accessible au portefeuille de la majorité des Français. En effet, le changement d’une chaudière fioul pour une chaudière gaz se situe entre 5 000 et 8 000 euros. Voilà pourquoi faire croire qu’il n’est plus possible de rénover le bâtiment avec le gaz est une faute politique, puisque le gaz permet d’obtenir tout de suite d’importantes économies d’énergie et des réductions substantielles d’émissions de CO².
THIERRY GUERRIER :
D’où vient ce gaz ?
JOËL PEDESSAC :
Le biopropane est un gaz renouvelable produit lors du raffinage de l’huile. En raffinant le pétrole, du propane est produit. En raffinant des huiles végétales ou animales, on obtient un biokérosène ou un biodiesel, et un biopropane. Ces gaz liquides renouvelables émettent moins que l’électricité en usage de chauffage. Bien entendu, étant donné le cycle court du carbone, un peu de CO² sera toujours émis.
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